Compte rendu du CHU de Nancy entre les malades et les aidants du samedi 12 juin 2010

Publié le par yann73

CHU de Nancy : Parkinson ,la maladie, les malades et les aidants

samedi 12 juin 2010.

 

 

Si la remise d'un livre blanc sur la maladie de Parkinson au Ministre de la Santé a focalisé au niveau national les attentes, certaines initiatives locales participent à leur manière au changement de regard porté sur les personnes touchées par cette pathologie. Au CHU de Nancy, depuis le mois de septembre 2009, deux groupes de paroles ont été mis en place à l'initiative du comité 54 de France Parkinson et grâce au soutien de la mutuelle Prévadiès. Simultanément, une fois par mois pendant deux heures, se retrouvent séparément, un groupe de paroles / malades et un groupe de paroles / aidants. Animés par Mylène Meyer et Philippe Mathieu, psychologues au service Neurologie de l'établissement, ils permettent à tous de mettre des mots sur des émotions, d'échanger des informations pratiques et de rompre l'isolement. Pour qui les écoute, il est étonnant de constater à quel point la rencontre soulage, détend et stimule à la fois et combien ces lieux sont source d'apprentissage pour chacun, y compris pour les médecins. Témoignages.

Dans une salle de réunion de l'hôpital, ils sont plus d'une dizaine, une majorité de femmes et une moyenne d'âge de 60 ans. Rien ne les rend remarquables, si ce n'est, pour certains, quelques agitations intempestives d'un pied ou d'une main. Ils parlent d'eux en confiance mais presque en chuchotant car, et c'est un des symptômes, la maladie de Parkinson fait diminuer le niveau sonore de la voix.
Extraits
Une malade : « Moi, j'ai un problème : je tombe tous les jours … J'ai mal un peu partout ! »
Un patient : « Je constate que je sens mieux l'équilibre dans les escaliers … »
Un malade : « Moi, je tourne en rond 5 à 6 secondes avant de pouvoir démarrer un mouvement. »
Une patiente : « Ce qui me gêne, c'est que, comme je ne peux plus marcher droit, les gens doivent penser que je suis saoule … »
Le psychologue : « Je ne savais pas qu'il y avait autant de différences dans la forme des symptômes de chute ou de perte d'équilibre. »

En même temps et à quelques mètres seulement, dans une autre pièce aussi fonctionnelle, ce sont leurs proches qui se parlent. Epouses, maris, ils sont là en tant qu'aidants, confrontés eux aussi à des interrogations et à des souffrances face à une maladie que la science ne sait pas encore guérir malgré les progrès médicamenteux et chirurgicaux.

Une aidante : « Est-ce que les orthophonistes s'occupent de leur redonner du souffle ? »
Un aidant : « oui, il le faut pour qu'ils retrouvent de la voix »
Une aidante : « Le problème, c'est d'en trouver des qui aient les compétences pour les Parkinson … »
Une aidante, en sortant un papier de son sac : « Moi, j'ai une liste de ceux qui ont cette spécialité dans la région lorraine. »
La psychologue écoute, attentive. Elle intervient à petite dose, juste pour relancer les échanges au cas où le silence s'installerait. C'est rare. Au fur et à mesure que le temps passe, les gens s'interpellent de part et d'autre des tables et les demandes se mélangent aux témoignages personnels.
Une aidante : « Il y en a qui disent que le pire dans cette maladie ce sont les tremblements, mais c'est aussi les blocages … »

Renseignements pris auprès des spécialistes, le blocage est effectivement le symptôme le plus fréquent de la maladie de Parkinson. C'est une sorte de paralysie ponctuelle, l'impossibilité de déclencher une énergie qu'elle soit physique ou intellectuelle. L'individu est comme en suspens. Cela se produit quand l'efficacité du traitement est moindre.

Retour dans le groupe de paroles des Parkinsoniens, une appellation qu'ils revendiquent comme une identité.
Un malade : « Je voulais poser une question sur l'horaire de la prise des médicaments la nuit. »
Un patient : « Moi, je me force à ne pas en prendre la nuit. »
Un malade : « Vous êtes courageux ! »
Un patient : « Normalement, la nuit on a un répit. »
Une malade : « Il faut trouver le moyen de nous relaxer en pensant à des choses agréables. »
Un malade : « Couché, les mains en chapeau sur ma tête, chez moi, ça calme les tremblements, ça aide. Comme le traversin entre les jambes pour éviter les douleurs. »

A ce moment-là une des participantes du groupe de paroles ne se sent pas bien. Les gens s'inquiètent et se mobilisent rapidement. On va chercher son mari, juste à côté, dans le groupe des aidants. Il la soulève et l'encourage à marcher. Elle sort de la salle à son bras en expliquant : « Je suis désolée, je suis bloquée là … » On lui répond « Ce n'est pas grave, au revoir ».

Le psychologue relance le dialogue : « Les traitements que vous prenez peuvent avoir des incidences sur votre moral, en mal ou en bien. Cela peut s'expliquer aussi parce que les zones cérébrales lésées par la maladie de Parkinson sont voisines de zones cérébrales impliquées dans les émotions. C'est par exemple ce qui peut expliquer que malgré des difficultés motrices rendant fréquemment l'écriture difficile, certains d'entre vous ont expliqué qu'ils écrivaient beaucoup (au point que l'on peut parfois même parler d'hypergraphie).
Une patiente : « Moi, j'écris quand je me sens bien … »
Un patient : « Oui, vous écrivez bien … J'ai déjà eu des mots doux de vous ! »
Tout le monde rit volontiers.

Les échanges du côté des aidants deviennent revendicatifs et très vite des sujets sont choisis pour être soumis comme ordre du jour à l'association France Parkinson 54.
Une aidante : « Il faudrait que se développent des lieux d'accueil de jour … »
Une aidante : « Oui, mais surtout, avec des activités. Mon mari, je l'emmène une fois de temps en temps mais il s'ennuie. On ne lui propose rien ! »
Un aidant : « Des unités d'accueil sont nécessaires »
Une aidante : « Ca va venir, c'est à créer. »
La psychologue : « La maladie n'est pas encore très connue. Le Livre Blanc va sans doute aider »
Un aidant : « Il faut faire sortir la maladie de l'ombre ! »
Libérer la parole sur ses propres souffrances est plus difficile du côté de ceux qui ont à prendre en charge, à veiller sur ceux qui en souffrent. Elles apparaissent pourtant au détour de certaines intonations, d'un souffle difficile à reprendre. Et puis, parfois c'est trop. Les mains essaient de masquer le bas du visage mais les mots sortent quand même.

La psychologue : « Vous avez le soutien de votre fille je crois ? »
Une aidante : « Oui, elle passe tous les soirs après son travail et puis il y a le téléphone… Je lui dis pas tout pour ne pas l'inquiéter… Mais parfois c'est plus fort que moi. Je ne peux plus aider. J'en ai assez, je ne peux plus »

Il est l'heure de se quitter. Dans le groupe des patients quelqu'un demande de fixer l'ordre du jour de la prochaine réunion dans un mois.
Un malade : « Si nous parlions de l'orthophonie ? »
Une patiente : « Oui et puis de la gymnastique complémentaire »
Un patient : « Ce serait bien car l'association France parkinson 54 projette de mettre en place des ateliers sur la base du volontariat »
Et puis au milieu du brouhaha général qui marque la fin du rendez-vous, une patiente dit : « et si nous parlions du regard des autres ? »

Oui, si nous en parlions ?


 

Pour plus d'informations, contacter :

Laurence VERGER
Responsable de la Communication
CHU Nancy - 29, av du Mal de Lattre de Tassigny
54035 Nancy cedex
Tél : 03 83 85 14 78
Fax : 03 83 85 11 88
email : l.verger@chu-nancy.fr

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